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De la couleur à la photographie noir et blanc

Malgré toutes les avancées technologiques, le noir et blanc reste un moyen d'expression qui garde sa place dans le monde de la photographie. Il se pratique aussi bien en argentique qu'en numérique avec des rendus a-priori différents mais qui peuvent se rejoindre...

Tirage platine palladium photo bretagne finistère
Bretagne Finistère : tirage au platine-palladium d'après prise de vue numérique.

Représenter la forme en faisant abstraction de la couleur remonte à l'âge de l'art pariétal. Était-ce un choix ou une nécessité imposée par l'absence de pigments colorés ? Je laisse la question aux spécialistes. Quoiqu'il en soit, le dessin monochrome n'a jamais disparu et est resté un art à part entière au coté de la peinture.

La question se pose de la même manière pour la photographie dans son échelle de temps réduite à environ deux cent ans. Avant l'invention de la couleur, les photographes n'avaient d'autre choix que de travailler en noir et blanc. Certains colorisaient parfois les épreuves pour donner plus de réalisme ou par volonté picturale. Mais pour la très grande majorité des photographes, le noir et blanc, ou plus exactement le monochrome, était de rigueur. Et ce jusqu'en 1907, date de l'apparition des plaques autochromes, le premier procédé de photographie en couleur grand public. Et pourtant, comme pour le dessin, la pratique du noir et blanc n'a pas disparu malgré toute l'évolution technologique.

Aujourd'hui, choisir le noir et blanc c'est faire le choix d'une photographie d'expression qui veut se différencier de la photographie de représentation. Et plus encore pour ceux qui réalisent des tirages sur papier, conventionnels ou alternatifs. En effet, le noir et blanc ouvre la porte des procédés photographiques artisanaux tels que le cyanotype, le platine, le charbon, etc... Le photographe fait évidemment ce choix dans une démarche artistique personnelle.

La première qualité de l'image noir et blanc, est de mettre la lumière et la forme sur le devant de la scène. Ce sont donc les contrastes entre les ombres et les lumières qui dominent l'espace graphique. Cela n’empêche pas de photographier des sujets dans un éclairage diffus, avec peu de contraste. En effet la sensibilité chromatique joue un rôle important dans le rendu des gris.

conversion en photo noir et blanc
L'outil noir et blanc du post-traitement numérique pour ajuster les gris en fonction des couleur

Le terme renvoie aux films argentiques dont la sensibilité varie en fonction de la couleur. Chacun ayant ses particularité et, à l'extrême, on trouve les émulsions orthochromatiques sensibles uniquement au bleu et au vert (et donc non-sensibles au rouge et jaune). Avec un film sensible à l'ensemble du spectre de la lumière, la différentiation des couleurs en terme de gris peut être très faible. Cela rend difficile la photographie en noir et blanc d'un sujet coloré sous un éclairage doux. Pour palier au problème, on utilise un filtre coloré à la prise de vue dit filtre de contraste. Par exemple, un filtre jaune permet de rendre des gris plus clairs pour les jaunes ainsi que certains verts et de donner des gris plus sombres pour les bleus. Le filtre de contraste jaune est très utilisé pour apporter de la densité au bleu du ciel qui, sans filtre, ressort souvent blanc. Pour augmenter l'effet, on peut choisir un filtre orangé ou même rouge. Dans le même esprit, on utilise un filtre de contraste vert pour mettre en avant la verdure d'un motif végétal, comme, par exemple, une jungle. Tout cela doit se conjuguer avec le couple exposition/développement et lorsque la technique est bien maîtrisée, les résultats peuvent être spectaculaires.





Photo noir et blanc argentique chateau de saumur
Photo prise en argentique avec un filtre de contrate jaune. Prise de vue à la chambre photographique 4x5" plan film fomapan 400, développement N-1, révélateur HC110.

En numérique, le problème fondamental du gris des couleurs reste le même mais la gestion de l'image est plus simple qu'en argentique à condition de travailler en RAW (ce que font tous les photographes avertis). En RAW toutes les données du capteur sont enregistrées, y compris les couleurs même si l'appareil est réglé en prise de vue noir et blanc. Il est alors possible de manipuler avec précision les rendus de gris en fonction des couleurs au traitement de post-production. L'outil noir et blanc est à peu près identique pour tous les logiciels. Une série de curseurs permettent d'ajuster les gris en fonction de chaque couleur. Pour retrouver l'esprit des filtres à contraste de l'argentique il faut agir sur la couleur principale et sa complémentaire. Par exemple, pour approcher en numérique le rendu d'un filtre de contraste jaune, il faut agir sur le curseur jaune et sur le curseur bleu ; pour un filtre vert ce sera le curseur vert et le curseur magenta, etc.

Le photographe maîtrise la technique, elle est une base indispensable pour un travail constant et de qualité. Mais il faut également développer son regard pour être capable de voir, ou tout au moins visualiser, le monde en monochrome. L'exercice n'est pas naturel et exige beaucoup de pratique. En argentique, les photographes qui découvrent leurs photos seulement après le développement se mettent vite au diapason. En revanche, avec le numérique l'image noir et blanc s'affiche dans le viseur de l'appareil photo. C'est d'une grande aide pour débuter mais cela rend passif et ne permet pas de développer le regard en noir et blanc. Jean-Baptiste Rabouan

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